Dans le cadre de leur cours sur « l’inconscient et les difficultés du sujet », les élèves de Terminale Littéraire de la classe de Philosophie de Monsieur Schmit ont pu dialoguer jeudi 7 janvier 2016 avec Laurence Morel, psychologue, et tenter ainsi d’éclairer la compréhension d’une notion et d’une pratique qui restent trop souvent l’objet de réductions malvenues. |
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Laurence Morel est psychologue ; elle exerce dans le cadre de l’intersecteur de pédo-psychiatrie, rattaché au Nouvel Hôpital de Navarre, au Centre médico-psychologique pour enfants et adolescents de Verneuil (des consultations gratuites peuvent y être demandées, en téléphonant au 02.32.78.86.21). C’est « l’orientation lacanienne » qui sert de cadre à son travail analytique, au sein de l’École de la Cause freudienne.
Répondant aux questions et aux remarques des élèves, Laurence Morel a cherché, avec beaucoup d’enthousiasme et de simplicité, à partager son expérience de clinicienne et son aventure dans les théories ouvertes par l’œuvre de S. Freud. Elle a présenté les différentes approches possibles du psychisme humain et les différentes pratiques qui y correspondent. Elle a tenu à rappeler la distinction entre une approche comportementaliste et une approche analytique. Distinguant bien la réalité biologique de l’homme de sa réalité psychique, elle a noté l’inscription décisive de la présence humaine dans le corps et le langage : un enfant naît dans un bain de langage. Aussi est-elle revenue sur des fragments de paroles, symptomatiques, qui manifestent combien quelques mots seulement peuvent structurer une dynamique psychique, l’aventure de notre présence au monde. S’orienter vers une telle compréhension de l’expérience humaine, c’est comprendre le rôle décisif de l’analyse du psychisme.
Mais une telle perspective ne place jamais l’analyste dans une position de domination ; être psychanalyste, c’est accepter de ne pas comprendre, désirer ne pas comprendre, ne pas jouer au maître aisé du psychisme et laisser chaque présence singulière découvrir et interpréter sa propre « inquiétante étrangeté ». Il faut donner du temps au travail de l’interprétation, aussi long que créateur. Elle a ainsi pu saluer la « patience de l’interprète » qui jamais ne cède sur son désir. Toute volonté de compréhension immédiate nous exposerait à de pauvres projections.
C’est au moins d’une telle modestie dont il faut faire preuve lorsque le dialogue s’ouvre avec des enfants : leurs traumatismes, leurs souffrances requièrent la plus haute prudence. Laurence Morel a pu préciser quelles peuvent être les modalités spécifiques d’une telle écoute.
Elle a ainsi montré que les considérations théoriques sont indissociables d’une pratique réelle, et réciproquement. Plus encore, une telle aventure dans la compréhension du psychisme humain ne donne jamais lieu à un « savoir figé » ; à une telle profondeur, la rencontre de l’Autre est toujours réelle, c’est-à-dire là où on ne l’attendait pas, là où nous n’aurions pas su l’attendre.
Nul doute qu’un tel dialogue permettra aux élèves de « ne pas céder sur [leur] désir » (J. Lacan] de se laisser interroger par la dimension énigmatique de leur existence ; et une telle rencontre, une telle générosité de présence et de parole ne peut manquer d’aviver le désir d’apprendre dans la rencontre de l’Autre – car « apprendre sans désir, c’est désapprendre à désirer » (R. Vaneigem).
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Quelques conseils de lecture donnés par Laurence Morel pour des élèves ou des professeurs qui voudraient s’intéresser à la psychanalyse, très abordables :
- L’interprétation des rêves de Sigmund Freud est le texte majeur (Paris, P.U.F., 1967) ;
Psychopathologie de la vie quotidienne, de S. Freud également (Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1967) fourmille d’exemples tirés de la vie quotidienne.
A noter également trois ouvrages récents, d’une lecture très abordable et très clinique :
Hélène Deltombe, Les enjeux de l’adolescence, Paris, Éditions Michèle, Collection « Je est un autre », 2010 ;
Sonia Chiriaco, Le désir foudroyé – sortir du traumatisme par la psychanalyse, Paris, Navarin/ Le champ freudien, 2012 ;
Hélène Bonnaud, Le corps pris au mot – ce qu’il dit, ce qu’il veut. Paris, Navarin/Le champ freudien, 2015.
Et pour ceux qui voudraient approfondir, il y a bien sûr toute la collection passionnante des Séminaires de J. Lacan (publiés au Seuil) qui sont la transcription faite par Jacques-Alain Miller de l’enseignement oral de Jacques Lacan, cours qui s’est étendu de 1953 jusqu’à 1978.
Pour en savoir plus sur les activités de l’École de la Cause freudienne en Normandie, on peut consulter le site : http://www.psychanalyse-normandie.fr
Pierre-Etienne Schmit